Les recommandations de la BPI post COVID sont claires et invitent encore plus que jamais à réaliser des études de marché de lancement. La pensée est disséminée au travers de tous les organismes financeurs … comme si la crise sanitaire n’était pas passée par là. Récemment nous avons eu entre nos mains le cas d’une société incomprise dans ses objectifs par l’organisme public qui lui réclamait une étude de marché avec des prévisions claires de développement sur 2021 à 2026… sic !… Entreprendre aujourd’hui, c’est entreprendre dans un mode totalement incertain.
Nous prônons d’abord un rapprochement entre la stratégie et l’étude de marché, ensuite une acceptation par les cabinets de stratégie et entreprises du risque d’incertitude invitant au lancement d’actions concrètes qui s’inscrivent dans la réalité.
Les études de marché et le conseil en stratégie constituent habituellement deux activités biens distinctes.
L’étude de marché consiste à recueillir diverses informations sur les besoins et les préférences des clients. L’expertise des spécialistes des études de marchés est reconnue : il s’agit de marier l’art de poser les bonnes questions à celui de la statistique. Le but : accéder à un public cible pour fournir des données complètes et de haute qualité.
Les consultants en stratégie aident les entreprises à prendre la bonne décision susceptible de lui permettre de mieux se positionner sur son marché, d’augmenter sa rentabilité ou de se positionner devant un concurrent.
Évidemment, les cabinets de conseil de conseil en stratégie comme MR Stratégies se basent sur des données fiables et concrètes … dont les études de marché.
Les études de marché B2B sont pourtant plus souvent axées sur un besoin commercial stratégique.
Les entreprises souhaitent déterminer les caractéristiques de leurs produits mais aussi d’autres éléments tels que le coût par acquisition d’un client par exemple ou le chiffre d’affaire attendu. Les études indiquent qui sont leurs clients, pourquoi ils achètent leurs produits et quelles sont les menaces et opportunités de développement.
Néanmoins, dans le cadre B2B, la chaine de décision de lancement d’un produit ou service est souvent confiée au top management. Cela s’explique par le fait que la cible client est souvent plus réduite, le système de vente ne repose pas sur un marketing de masse mais sur des partenariats à haute valeur ajoutée. Dans ce cas, les réflexions sont confiées ou validées par le conseil d’administration qu’il s’agisse d’identification des besoins ou des solutions apportées aux clients.
Ainsi, la plupart des études B2B cherchent à contribuer à des objectifs stratégiques :
- Doit-on pénétrer ce nouveau marché ?
- Comment notre marque doit-elle être positionnée ?
- Ce service sera t-il une marque fille ?
- Quelle sera la rentabilité attendue ?
- Doit-on investir dans la recherche et le développement d’un nouveau produit ou service ?
- Quels seront les points de contacts critiques dans le parcours acheteur ?
Nous observons au travers de ces questions qu’il ne s’agit pas pour l’étude de marché de révéler une meilleure connaissance du client ou les caractéristiques du produit ou service. Ces questions sont évidemment des sujets d’ordre stratégique.
Le conseil en stratégie basée uniquement sur les données des études de marché ne permet pas d’éclairer les décideurs
La faiblesse des études de marché : leur objet n’est qu’une collecte de données. Toutes les données brutes ne sont que des données brutes ! Il s’agit ensuite de faire parler les chiffres dans un contexte particulier. La problématique réside dans le fait que les spécialistes des études de marchés œuvrent de leur côté, et que les consultants n’ont pas la capacité interne de réaliser cette collecte de données. Il existe donc bien un intérêt à faire communiquer les cabinets de stratégies et les spécialistes des études de marché. Les uns donnant un brief sur l’objectif, les autres se chargeant de la collecte.
Il y a donc bien un processus vertueux qui consiste à :
- comprendre les enjeux stratégiques des entreprises (rôle des cabinets de stratégies)
- définir les objectifs de l’étude de marché (cabinets de stratégie et spécialistes des études de marché)
- construire une étude de marché (rôle des spécialistes des études)
- Analyser les données de l’étude de marché (spécialistes des études)
- Interpréter l’étude de marché dans le contexte stratégique de l’entreprise (cabinets de stratégie)
- Élaboration des recommandations (cabinet de stratégie)
La frontière entre ces deux métiers doit donc être brouillée pour que les uns et les autres se complètent.
L’étude de marché doit être concentrée sur la valeur stratégique et doit intégrer le contexte du marché
La principale force des études de marché est la capacité d’obtenir et de comprendre les points de vue des clients et des entreprises. Cependant, comme nous l’avons démontré plus haut, il est impératif d’intégrer une compréhension plus large des forces économiques, politiques et sociales ayant un impact sur un marché et pouvant affecter la performance d’une entreprise.
« Si j’avais demandé à mes clients ce qu’ils voulaient, ils m’auraient répondu un cheval plus rapide, et pas une voiture » Henri Ford
L’intégration du contexte de marché réduit le risque que des biais se glissent dans le projet. En effet, dans les études, on peut davantage porter attention aux résultats plutôt qu’aux objectifs. C’est la construction du questionnaire qui sera biaisée, et donc forcément l’analyse. Le risque d’erreur est augmenté.
Par exemple, un projet peut sonder des clients potentiels afin de développer une segmentation et proposer des recommandations sur les segments que l’entreprise doit cibler. Mais l’étude, aussi bien menée soit elle ne montrera que ce volet. Or, il se pourrait que l’avenir du marché soit dans une innovation, soit ailleurs que dans le périmètre de l’étude, sauf à ce qu’on lui ai demandé !
L’enjeu de la problématique stratégique est alors essentiel.
La justification d’une étude de marché dans un monde post-COVID est une réelle question d’actualité.
Les cabinets de stratégie ne font d’ailleurs pas mieux que les études de marché mal calibrées. Ce n’est pas parce qu’on se targue de penser stratégie qu’on ne s’enferme pas ses propres idées. Aussi, les cabinets essaient de prévoir et mesurer les risques comme des routes à suivre ou éviter.
A ce jeu, tous ceux qui avaient fait de belles prévisions en janvier 2020 … auraient du incorporer un indice de fiabilité comme la météo le fait si bien.
« Nous sommes désolés, le soleil a laissé place à une tempête d’origine inconnue de force 7, notre indice de fiabilité à 2/5 prévoit une éclaircie en 2032, nous vous souhaitons un bon voyage durant cette perturbation et vous prions d’accrocher vos ceintures ! »
Faire des études de marché ou de la stratégie demain … c’est admettre que demain sera incertain.
C’est donc peut être faire moins confiance aux prévisions et accorder plus de place à une rapidité d’action et à une prise de décision sans que tout soit clairement ficelé. C’est un peu partir à l’aventure et contraire à tous les prévisionnistes hantant les couloirs des cabinets de stratégie. Mais il faut admettre qu’il y aura ceux qui oseront partir avant que le temps change avec un projet imparfait permettant de marcher jusqu’au prochain abri, et ceux qui resteront à l’abri et n’avancerons jamais.
Ceux qui opteront pour la technique du « mur du futur » consistant à se projeter dans le futur et à mettre en place ce qui nous manque pour y arriver seront peut-être avantagés.
Par le passé, l’histoire nous a montré que de belles réalisations ont vu le jour sans que le besoin soit pleinement vérifié, sans que le projet ne soit parfait. Se lancer, s’adapter.
La véritable stratégie aujourd’hui consiste certainement à partir du présent pour filer vers … vers une mise en action, la seule qui vaille dans un monde aussi incertain. Puisque toutes les méthodes traditionnelles, sans les jeter au rebut, s’inscrivent dans des temps de réactivité trop longs et invitent à trop de prudence.