Du fait de la pandémie liée au Covid 19, les collaborateurs travaillent désormais de plus en plus à distance, en télétravail. Pour certaines organisations, il a été impossible d’élaborer une politique de travail à distance bien organisée. Cette mise en action si rapide, est pourtant une opportunité.
En terme de stratégie de conduite du changement, il peut y avoir deux chemins : prévoir les opportunités et les risques puis mettre en œuvre, ou bien se jeter dans le grand bain et corriger les imperfections ensuite. Nous n’analyserons pas ici la différence entre les deux stratégies, mais nous soulignerons que la première manière de faire se concentre sur une aversion aux risques, le corolaire est souvent un manque d’engagement et donc la mise en place d’une solution tiède. C’est ce que Favi appelle l’anaction : beaucoup de réunions pour accoucher d’une souris par peur des risques. En l’occurrence, la crise sanitaire a imposé de fait le choix numéro 2 : plongeons et analysons ensuite ! Le télétravail a donc été mis en place de façon massive par des équipes qui n’y étaient que peu préparées et la tendance actuelle ne semble pas vouloir remettre en question cette organisation du travail.
Le télétravail est trop peu abordé sous l’angle humain.
Dans la plupart des organisations, les scénarios liés au télétravail se concentrent sur la réponse opérationnelle pour assurer la continuité du travail même à la maison. L’angle adopté est celui de l’entreprise, cela de façon quasi exclusive : la mise en place du télétravail est conditionnée à la capacité du salarié à fournir le même niveau de tâches quotidiennes que s’il était dans son bureau. Et c’est bien cet aspect qui fait transpirer de nombreux managers et directions RH. Fabrice s’inquiète de savoir si Manon va finaliser ses dossiers achats ou faire un peu de shopping, car mince, c’est jeudi, il fait beau et c’est sa journée. Leadership, autonomie, responsabilisation, contrôle, confiance : le télétravail est au cœur des compétences managériales et signe la maturité managériale de l’entreprise.
Les plans de télétravail traitent peu de la capacité des employés à se concentrer sur leur travail. Le travail à distance n’est pas considéré comme un moyen de productivité supplémentaire. Pourtant Manon est bien plus concentrée et productive au calme chez elle que dans l’open space entourée de 50 collègues. Le rapport à la vie professionnelle est souvent oublié : le télétravail permet de libérer des contraintes du travail. Le salarié n’a plus à « être en représentation », c’est-à-dire à donner l’air d’être préoccupé lors des réunions, éviter de passer plus de 15 minutes à la machine à café, ne pas partir plus tôt même s’il a fini son travail sous prétexte d’être jugé. Le télétravail supprime cette charge mentale, les gens se concentrent sur ce qui compte finalement : leur performance. Ajouté à des moindres contraintes de temps de déplacement (temps de trajets moyen à Paris – 1h30 par jour), cette meilleure organisation vie privée / travail rend le personnel plus productif et engagé. 70 % des salariés sont en faveur du télétravail.
Les télétravailleurs sont plus productifs : 48 minutes de plus par jour.
Les bénéfices cités plus en avant dans l’article ne sont pas nouveaux. Et si des organisations étaient en phase de test avant la crise sanitaire, c’est qu’il s’agit bel et bien d’un manque de maturité. Le télétravail a été promu dès les années 70 aux Etats-Unis. Depuis, 4300 entreprises offrent du télétravail exclusif. Une étude américaine basée sur l’analyse de 3,1 millions de personnes (Europe, Etats-Unis et Moyen Orient) réalisée en période et hors période de coronavirus montre que les salariés travaillent 48 minutes de plus par jour en télétravail. Au bureau fédéral des brevets américains, les télétravailleurs traitent 4,7% de dossiers en plus. Finalement le télétravail est peut être la formule gagnant-gagnant entre manager et salarié.
Pourtant le télétravail vient heurter la culture managériale de certaines organisations.
Un certain nombre de managers ont tendance à regarder ce qui leur fait peur sans voir ce qui se passe réellement autour des bureaux : si le salarié est là, c’est qu’il travaille ! Il s’agit là d’une culture du présentéisme, bien plus présente en France que chez nos voisins. Exit les 5 pauses cigarettes par jour et les pauses cafés non comptabilisées. De même que les réunions improductives qui durent des heures, qui commencent sans ordre du jour clair et se terminent en papotages. On évite bien sûr d’oser imaginer qu’un salarié parti en réunion à l’autre bout de Paris profitera du temps de transport pour s’octroyer le temps nécessaire à l’achat de quelques cadeaux de Noël. C’est bien cette culture du présentéisme que vient heurter le télétravail : si on est présent c’est qu’on travaille, la preuve ci-dessus ! A la maison, le risque d’oisiveté est tellement important qu’il devient insupportable pour le manager et induit un nombre de contrôles pesant sur la relation manager – managé. Pourtant le télétravail offre l’opportunité de se concentrer sur la performance réelle puisqu’à distance, seul le résultat se voit. Les artifices de représentation liés au présentéisme étant plus complexes à mettre en place.
Le temps passé au bureau n’est pas du temps perdu, si on peut y être moins efficace, c’est aussi le lieu de l’apprentissage non officiel, du mentoring, de l’observation des méthodes de travail. Le télétravail n’est pas un système qui doit s’étendre au-delà de 3 jours par semaine. En revanche, il permet de se reposer les bonnes questions sur cette relation à trois : organisation, manager et salarié.
Comment manager à distance ?
Le télétravail consiste à passer de la culture du présentéisme à la culture de l’autonomie. Aussi, il convient de prendre garde à certains éléments qui se font naturellement lorsque les gens sont au bureau et qui risquent de manquer en situation de télétravail. Quels sont ces sujets à prendre en compte pour s’adapter au télétravail ?
1 – Les impacts négatifs : repérez les signes de détresse chez vos employés
Le télétravail fait ressurgir des inégalités sociales. Pour certaines personnes il est difficile de conjuguer vie professionnelle et vie personnelle. Certaines personnes n’ont pas de lieu de travail clairement identifié. Utilisez à la fois des conversations directes et des observations indirectes pour obtenir une visibilité sur les défis et les préoccupations des employés.
2 – Équiper les employés des applications métiers
La maturité numérique de l’entreprise est au centre des préoccupations. Assurez-vous que les employés disposent de la technologie dont ils ont besoin pour réussir, notamment en terme d’applications métiers.
3 – Promouvoir le dialogue
Loin des yeux, loin du cœur dit-on. La communication est essentielle pour connecter vos employés à votre organisation. Mais ne forcez pas les réunions plus que d’habitude sous prétexte de rapprocher les gens en télétravail. Cela pourrait être perçu comme une forme de contrôle et ferait perdre le bénéfice de productivité liée au télétravail. Et puis considérer que dans les open space les gens s’envoient des emails pour ne pas déranger les collègues. Laissez le temps du virtuel à la concentration et au contraire stimulez dans les moments en présentiel le charisme et l’émulation.
4 – Faites confiance à vos employés
Les managers paternalistes seront inquiets et même frustrés de perdre la visibilité constante qu’ils avaient sur leurs employés. Il s’agit pourtant d’une nouvelle valeur à développer chez les managers. Sans confiance il n’y a pas d’autonomie. Les collaborateurs doivent apprendre à travailler quand ils le veulent et où ils le veulent : ils doivent être autonomes et s’engagent à rendre leur travail dans les temps et selon la performance attendue. C’est là qu’intervient le contrôle : sur le résultat attendu. Un manager accordant sa confiance saura apprécier le travail fourni sans entrer dans un jeu infantilisant de contrôle portant sur le respect des horaires de connexion ou autres artifices d’appels pour ne rien dire … qui ne fera que désengager et fatiguer les employés déjà stressés.
5 – Renforcer les valeurs organisationnelles
Lorsque que le télétravail concerne une personne sur 2 jours par semaine, il lui suffit d’une réunion à l’extérieur sur une journée et d’un planning de télétravail décalé avec son manager pour ne plus le croiser de la semaine. Si le télétravail requiert autonomie et confiance, il ne doit pas être à l’inverse une déconnection totale. Il est donc nécessaire de repenser sa manière de communiquer en intégrant par exemple des newsletters hebdomadaires sur les points essentiels de la direction.
6 – Utiliser des objectifs pour créer de la clarté
Concentrez-vous sur ce que les employés devraient accomplir. Mettez l’accent sur les objectifs plutôt que sur les processus. En tant que manager, vous devez cesser de prêter attention au processus et être plus attentif à ce qui est fait. Fixer des objectifs permettra d’être moins « contrôlant » et donnera plus d’autonomie.
7 – Accroître la reconnaissance
Une reconnaissance efficace motive non seulement le destinataire, mais sert également de signal fort pour inciter les employés à imiter ces comportements. Pour cela il faut donner de la reconnaissance sur la performance et non reconnaitre ceux qui parlent le plus en réunion ou éteignent la lumière tard le soir, car dans ce cas on développe une culture du présentéisme. La reconnaissance nécessite alors d’avoir une appréciation au plus juste du travail du salarié. Une chance : le télétravail invite le manager à se concentrer sur la performance rendue car le reste est moins visible. D’ailleurs, l’augmentation du télétravail est peut être l’occasion de développer les évaluations par les pairs. La digitalisation permet au manager d’avoir des avis croisés : Manon sera ainsi évalué par le service communication pour lequel elle a réalisé un dossier achat. L’évaluation au fil de l’eau par ses clients internes permet à Fabrice d’avoir un avis objectif sur le travail de Manon, lui facilite l’entretien annuel et le soulage de tout ce contrôle qu’il s’était assigné.
8 – Affiner son leadership
Le leadership est composé d’un ensemble de comportements visant à favoriser l’autonomie des collaborateurs en créant un rapport sain entre autorité et confiance. Sachez saisir l’opportunité du télétravail pour renforcer vos compétences dans ce domaine. Une partie du leadership est innée, une autre se construit à travers des comportements relationnels à mettre en place.
9 – Mesurez l’impact de vos décisions et comportements
Chez MR STRATEGIES nous sommes avant tout un cabinet de conseil en stratégies et nous aimons particulièrement utiliser les données à disposition (taux d’absentéisme, sondages, turn over etc…) plutôt que rester sur une vague impression. Suivre et mesurer les résultats permet de gérer à la fois les attentes des employés en télétravail et les difficultés des équipes de directions. Servez-vous des données pour calculer le bénéfice apporté par le télétravail afin de faire évoluer votre stratégie de travail à distance vers une politique durable et efficace. Sans mesure objective, chacun sera tenté de se retrancher vers sa propre perception du bénéfice du télétravail. Entre les pour et les contre, le risque est grand de s’éloigner des vraies problématiques !